HOP
: Pour commencer dans "l'originalité", quels sont tes date et
lieu de naissance ? |
Était-ce
dans un milieu te prédisposant à une carrière dans le dessin
? Mon père et ma mère ont des goûts artistiques prononcés. Mon père peint et dessine en dilettante, c'est pour lui une occupation qui n'a rien à voir avec sa profession. |
A-t'il
eu une certaine influence sur toi ? |
Mais
avant d'être embauché chez Lug, tu n'avais jamais fait une seule
BD, ne serait-ce que pour ton plaisir ? Si, mais comme tous les enfants... Je me suis exercé et j'ai énormément copié, notamment Hubinon et Molinari. C'était pour m'amuser. J'ai même fait un journal pour l'école, pour la classe, qui s'appelait"Aviation"... J'étais de Toulouse, une ville d'aviation elle-même. Je faisais tout de A à Z depuis la couverture et, bien qu'inscrivant le prix sur celle-ci, je le distribuais gratuitement. Le prix, c'était pour faire authentique. Il devait "coûter" vingt francs, c'est à dire vingt centimes d'aujourd'hui... Je faisais six numéros semblables à la main, je ne photocopiais pas et donc je faisais six fois exactement le même numéro de huit pages. Je ne connaissais pas Gutenberg (rires) !. Pparfois un copain faisait le coloriage. Les camarades de classe se l'arrachaient. Si je retrouvais ça, je crois que j'en pleurerais de nostalgie. La parution était mensuelle, quatre pages de texte "dernières nouvelles de l'aviation", et mes BD parlaient elles aussi de l'aviation et plus précisément de la guerre du Pacifique. Et aussi de la bataille d'Angleterre. C'était pendant ma scolarité primaire, du cours moyen au cours élémentaire deuxième année. J'adorais dessiner les chasseurs à hélices de l'époque ainsi que les porte-avions. Après, j'étais en sixième et là, au lycée j'ai continué. En fin de scolarité en arrivant à Lyon, je faisais toujours des BD, c'était en 1958 pendant les événements de la guerre d'Algérie. A ce moment-là j'ai passé mon certificat d'études puis je suis allé aux Beaux-arts un an et je me souviens que mes professeurs lisaient mes bandes dessinées qui traitaient toujours de la guerre, à croire que j'en étais féru. J'acquérais chez un petit éditeur de Lyon des livres qui n'étaient pas imprimés, au papier donc blanc mais parfaitement reliés. Étaient-ils vierges à la suite d'une erreur, je ne sais pas mais les pages étant excellentes, je dessinais directement sur ces livres. Même la couverture ne comportait absolument rien. Il y avait des petits et des grands formats avec un minimum de cent-vingt pages et l'éditeur qui me les a un jour montrés m'a dit "si vous les voulez, je vous les donne". J'inondais les Beaux-arts avec mes BD en noir et blanc la-dessus. |
As-tu
encore ces "reliques" ? Non, tout a disparu, et cela remonte quand même à 1961. Ça fait du temps... Et je suis rentré en novembre de cette année-là aux Éditions Lug. |
Pour
y faire quoi ? Pas de BD ! c'est le seul endroit où je n'ai pas fait de BD pendant les trois premières années. Par contre, j'ai tiré la langue sur la retouche, à fond. A l'époque la censure était très virulente... Il n'y avait pas encore le matériel Marvel mais en 1962, LUG a publié la série de science-fiction Dan air, une BD anglaise, la première étrangère qui ne soit pas italienne et qui traitait de tout autre chose que le western qui faisait alors le succès de l'éditeur. A l'origine Dan air s'écrivait Dan Dare mais, pour la prononciation, l'orthographe en a été "francisée". La première retouche, je l'ai faite dans le mensuel qui portait son nom, mais dans la série western "Kinowa". Il fallait que je lui enlève les petites cornes de son masque, qui par la suite lui sont revenues. Tout ce qui était "diablotin" était alors interdit. Je me suis consacré entièrement à mon travail de retouche et j'ai arrêté à ce moment de lire Garry, Spirou, etc... |
En
quoi consistait exactement le travail de retouche ? Après Kinowa, j'ai fait des essais sur Tex et sur Blek. Le premier n'était pas évident car derrière Gallépini c'était difficile mais Blek était plus facile. Je faisais des retouches et des pages d'essai. En ce qui concerne les retouches, je les faisais soit sur des photocopies, soit sur des originaux. Pour Tex, il ne s'agissait que de photocopies et pour Blek d'originaux. Lorsque des traits étaient flous sur les photocopies, il fallait les renforcer, et il fallait aussi redessiner les ballons contenant la traduction du texte italien car celui-ci n'avait plus la même longueur. Et là aussi il y avait une censure. Il fallait finir le dessin autour des bulles. Il était découpé à peu près au tiers de la hauteur. Parfois il y avait des dessins entiers à refaire soit à cause de la censure soit à cause d'une mauvaise photocopie. Et l'on supprimait les onomatopées, les "zip", les "bang", les "crack" ainsi que les cris de douleur. Alors que les autres revues de BD n'effaçaient pas les onomatopées, Lug le faisait car ses publications étant considérées comme populaires, le comité de censure à Paris décidait qu'il ne devait pas y en avoir dans leurs pages. |
Et
pendant trois ans, tu n'as fait que ça ? Oui, mais ça m'a fait du bien car, pendant ces 3 années, j'ai appris des techniques. Avant, je dessinais à la plume, et là j'ai appris à utiliser un pinceau et également à écrire les textes. J'ai lu des longues séries populaires. |
Et
après cet apprentissage ? J'ai fait de l'humoristique et Lug a tout de suite accepté. D'ailleurs, à part l'aviation, mes premières amours étaient les BD d'humour. Cette première série se nommait "Sammy Sam" et contait les aventures d'un vieux cow-boy sur une chaise roulante, shérif d'une petite ville. C'est paru dans "Pim Pam Poum Pipo", fusion de deux titres pour une histoire de commission paritaire. Sammy Sam a duré à peu près un an. Chaque fois il y avait un épisode complet d'une douzaine de planches. C'était en couleurs. Au début je faisais les scénarii avec Monsieur Chrétien, depuis longtemps chez Lug, puis j'ai écrit les histoires tout seul. Mais c'est moi qui ai eu l'idée du personnage. Là j'étais un peu influencé par Morris. L'univers était le même que celui de Lucky Luke avec tous ses personnages secondaires mais sans y mêler des gens réels tels Jesse James ou les Dalton et également sans donner des têtes connues à certains (Gabin, De Funès, etc...). Par contre il y a eu la tête de Mr Chrétien qui ne pouvait être reconnue que de quelques uns et une fois je me suis dessiné en bandit. Mais il ne s'agit là que d'exercices de style. Je signais Sammy Sam du nom de JYM, autrement dit mes initiales, et lorsque je collaborais avec Chrétien, on signait CEJI (Chrétien Jean-Yves). |
Après
Sammy Sam, qu'as tu dessiné ? J'ai repris "Pougatchoff" de l'italien Rebuffi. C'était un loup de Sibérie qui s'exprimait, du moins dans la traduction, en un russe de fantaisie avec des terminaisons en "ski" ou "off", par exemple "je bois un couski avec la bouteillof". et puis il m'est venue l'idée d'ajouter un petit personnage aux côtés de Pougatchoff, Popoff qui était son neveu. Et comme on trouvait ce dernier tellement amusant, on m'a demandé d'en faire des histoires sans son oncle Pougatchoff. Pougatchoff est paru dans "Maxi-Pipo", "Pim Pam Poum Pipo" et aussi dans des pockets en bouche-trous vu qu'il s'agissait de récits courts dont les plus longs ne dépassaient pas huit pages. Popoff, quant à lui, est paru dans "Maxi Pipo" dont c'est devenu le personnage le plus important. C'est lui qui est parfois repris actuellement dans les pockets comme en-tête de pages de jeux. |
De
quel nom signais-tu ces deux séries ? Je les ai rarement signées, mais quand cela arrivait, c'était toujours JYM. Yves Chantereau a repris Popoff avec moi. Amouricq en a également fait. C'est des petites histoires d'une page. Mais, pour ne pas lasser le lecteur, à côté j'ai créé un petit indien du nom de "Plume", le bien nommé, parce qu'il portait une plume aussi grande que lui. C'était un indien style Hyawatha, de la taille d'un nain de Blanche Neige. Mais sa plume était embêtante pour écrire les textes au-dessus de lui. Popoff et Plume ont duré à peu près deux ans. Tous les mois je faisais ainsi des dizaines de pages plus des couvertures et de jeux. |
En
ce qui concerne "Pougatchoff", as-tu dû respecter le style de
Rebuffi, le créateur ? Au départ, j'ai respecté le style puis je l'ai abandonné petit à petit pour prendre le mien propre. Mais dans le domaine "reprises" j'ai fait aussi et en suivant le style de la série, des planches de "Pim Pam Poum". Mais là je ne signais pas car je reprenais les dessins d'un autre. Chantereau en a également fait. |
C'est
après cela que tu as fait je crois ta première bande en couleurs
? Oui, "Oum le Dauphin" d'après un dessin animé de la télévision, pour un mensuel grand format du même nom. J'ai fait les premiers scénarii avec Navarro, chez lui. |
N'était-ce
pas un peu contraignant de reprendre ainsi des personnages animés pour
en faire une BD ? Non, pas du tout ! Il fallait suivre les caractères des personnages mais on se détachait des épisodes de la télé tout en restant dans la même atmosphère. |
Les
têtes, par exemple, étaient moins dans ton style que si tu les avais
créées ? J'essayais de garder au maximum mon propre style et je faisais ça en compagnie d'Onetta qui réalisait en moyenne un épisode quand moi j'en dessinais deux. Il ne faut pas oublier qu'en même temps Onetta s'occupait de Zembla. On signait chacun de notre nom. Et donc, ça devait être la première fois que je signais Mitton. C'était agréable et intéressant. Le scénario s'adressant à un public de jeunes de dix ans était très simple. Il y avait dans chaque numéro seize planches sur trois bandes. A l'intérieur, je faisais là aussi des jeux et puis il y avait les couvertures que j'exécutais à la peinture. Sur les vingt-et-un numéros parus j'ai dû en réaliser dix-huit, les autres étant d'Onetta. J'illustrais également beaucoup d'articles sur les requins, les dauphins.. Parce que le journal tournait autour de la mer. Le journal devait avoir trente-deux pages, et donc il y avait une deuxième série "Animal Parade" qui était une sorte de Muppets Show, mais beaucoup plus pour bambins, sans le côté très sardonique des marionnettes. Au départ c'était des peluches, et Chantereau l'a très bien fait en BD. Plus précisément il s'agissait de marionnettes en peluche qui passaient à la télévision. "Oum" s'est arrêté à peu près à l'époque où j'ai quitté l'atelier en avril 1973. A ce moment-là je travaillais à mi-temps chez Lug, et chez moi. Et c'est à ce moment que j'ai attaqué Blek. |
Comment
s'est passé cette reprise de Blek (le petit Trappeur) ?
Très bien car c'était un peu humoristique. A la limite du comique et du réaliste, et ça me préparait justement bien au réalisme. J'ai fait une cinquantaine d'épisodes chez moi. Reprendre les personnages n'a pas été dur du tout, je dirais même que c'était une récréation. Avec Navarro, on a fait une nouveauté en le mettant sur deux bandes au lieu des trois habituelles. Les histoires que j'ai dessinées ont été entrecoupées par les épisodes dus à Cédroni mais j'ai été le premier français à réaliser la série après les italiens, les studios ESSE-GESSE qui l'avaient abandonnée. Avec Navarro, j'ai raconté les origines de Blek. On en a fait un breton qui s'appelait Yann le Roc. Ça commence au début du règne de Louis XVI et il arrive un tas d'histoires au futur Blek. Le petit Yann qui est libéral est séduit par les idées de Voltaire et de Rousseau. Un jour, s'étant révolté contre les compagnies du roi, il est envoyé à l'île de Ré. Un ami de son âge, une quinzaine d'années, est également capturé. Il le retrouvera plus tard dans le second épisode. Il s'évade et fait la connaissance de Voltaire qui deviendra son témoin dans un duel au pistolet qu'évidemment il gagne. En fait l'action est assez intellectuelle, avec de fréquents rappels historiques. |
Cela
a dû nécessiter des recherches, ne serait-ce que du point de vue
costumes ? |
Dessiner
des super-héros, on te l'a demandé ? Oui, effectivement on me l'a demandé. Et il a fallu d'abord que je fasse mes preuves. Navarro n'a pas choisi le plus facile puisqu'il m'a proposé de dessiner le Surfer d'Argent après les épisodes de John Buscema, en en parlant auparavant à ce dernier qui n'y a vu aucune opposition et Marvel était d'accord. Mais je devais d'abord faire du Buscema. |
John
Buscema a-t'il vu tes dessins ? Il les a vus et, par l'intermédiaire de Marcel Navarro, j'ai eu droit à des félicitations. |
Comment
s'est décidé cette reprise ? Navarro a écrit un synopsis qu'il m'a proposé. Ensuite on l'a fait ensemble mais il avait pratiquement tout fait. On a réalisé à deux le découpage. |
Le
style Buscema n'a-t'il pas été dur à reprendre et à
respecter ? |
Pourquoi
n'avoir pas continué le Surfer d'Argent ? |
Était-il
également déjà prévu que tu ferais tes propres super-héros
? Oui et Mikros était déjà en route et je prenais de l'avance car la série ne paraissait pas en même temps que le Surfer. En tout cas la transformation du journal MUSTANG était alors prévue, pour en faire un magazine de super-héros français. Ça a failli devenir SUP'HEROS mais on a gardé MUSTANG pour une raison de commission paritaire et ne pas payer une TVA plein tarif. |
Personnellement,
et comme beaucoup de lecteurs je pense, je t'ai découvert en 1980 avec
le premier épisode de Mikros, dans lequel, du moins au début, on
sentait l'influence de Marvel Comics et notamment celle de Captain Marvel et des
Fantastiques. Était-ce voulu ou non ? Oui, c'était totalement voulu, et pour faire "américain" je signais John Milton bien que j'aurais pu garder Mitton car il y a en a pas mal dans les annuaires en Angleterre et aux États-Unis. |
Avec
Mikros, l'influence de Buscema s'estompait. Ce n'était plus du tout Buscema mais mon propre style que j'ai un peu américanisé. Je trouve que ça faisait même plus américain que les américains. |
Depuis
les premiers épisodes de Mikros, je trouve que ton trait s'est pas mal
amélioré. Oui et c'est normal, j'ai commencé Mikros en 1980 et en sept ans on fait des progrès. Si je prends depuis Blek, j'ai encore plus progressé. |
Lorsque
tu t'es lancé dans la veine "sup'héros", peut-être
ne maîtrisais-tu pas encore tes personnages, ce qui n'est plus le cas maintenant
? C'est exact et en ce qui concerne le style, j'ai été plus embêté que pour Blek. |
J'ai
l'impression, et d'ailleurs un récent article paru dans le n° 100 de
TITANS le laisse entendre, que tu n'aimes pas vraiment les super-héros.
Est-ce que je me trompe ? En effet, je ne suis ni lecteur ni amateur de super-héros. D'ailleurs je ne lis plus de bande dessinées à part Gaston Lagaffe. |
Est-ce
toi qui as eu l'idée du scénario de Mikros ? Oui, mais auparavant Navarro qui avait envie que Lug se lance dans la brèche super-héros m'avait demandé de trouver un personnage à l'américaine, quelque chose se passant à New York dans un univers de gratte-ciel, dans le style un peu Captain Marvel mais en fait plus Araignée. La série était supervisée par Malcom Naughton/Navarro et je faisais le découpage avec lui. Il m'a donné des tas d'idées comme Termitor, Hoffmann, mais Crabb, Saltarella, Mikros et le Psi viennent de moi. Le Psi, je ne pensais tout d'abord pas l'exploiter aussi longtemps. |
A
tel point d'ailleurs qu'on le retrouve dans ta série actuelle, "Epsilon".
Oui, et je n'en ai peut-être pas fini avec le Psi. |
Mikros
a-t'il marché de suite ? Les lecteurs ont été satisfaits et dès les premières parutions, le courrier a été dithyrambique. |
"Ton"
New York était imaginaire je pense ... Totalement. Je n'ai jamais mis les pieds aux USA mais je me suis documenté, notamment sur les bagnoles et les bandes dessinées américaines elles-même m'ont aidé. |
Des
lieux précis, par exemple l'aéroport La Guardia, ne doivent-ils
pas être dessinés de façon exacte ? |
Est-ce
parce que tu en avais assez des États-Unis que tu as fait évoluer
Mikros dans d'autres décors et d'autres lieux, l'Italie, la Suisse... ?
|
Mustang
ne marchant pas, tu as créé une deuxième série texte
et dessins pour la remplacer, Cosmo, et que tu regrettes beaucoup actuellement
je crois ? |
Mikros
plus Cosmo, décidément tu travaillais d'arrache-pied à ce
moment-là. |
Dans
quelles circonstances as-tu dessiné cette Histoire de l'Arménie
dont j'ignorais l'existence ? C'était pour un parti politique arménien qui voulait commémorer l'anniversaire du génocide par les Turcs en 1915. J'ai donc dessiné pour eux une quarantaine de planches de 4 bandes chacune en noir et blanc plus couverture. Les scénarii étaient d'André Pelletier. Il m'a fallu beaucoup de temps pour les faire car il y avait une très grosse documentation en ce qui concerne les costumes, les personnages historiques, etc... Cette documentation m'était fournie mais il a fallu quand même que je l'épluche. C'était un travail pédagogique. Je ne pouvais pas me permettre la moindre fantaisie, d'autant moins que l'album était destiné à des gens au courant et qui connaissaient l'histoire de leur pays. |
A
combien d'exemplaires ce volume a-t'il été tiré et comment
était-il diffusé ? Je crois qu'il y a eu une dizaine de mille d'exemplaires, il y a beaucoup d'arméniens à Lyon. L'ouvrage était vendu au cours de leurs fêtes. |
Revenons
à Mikros. Peux-tu me préciser plus en détails pourquoi tu
as voulu sortir du cadre américain ? Il y a le fait qu'en passant de Mustang à Titans, Mikros s'insinuait au milieu de séries authentiquement américaines. Et il fallait que je me détache. J'avais envie de retrouver mon propre nom, ne plus signer Milton. Et comme je m'étais rendu à Venise avec ma femme et que j'ai trouvé ce cadre absolument merveilleux, je me suis dit qu'il siérait à merveille pour Mikros. Pour retranscrire les décors, je me suis servi des photos de dépliants touristiques. J'ai fait comme ça cinq épisodes à Venise. Ils ont eu un effet incroyable si l'on en croit le courrier des lecteurs. Et après, je me suis dit pourquoi pas Paris, Lyon, Genève... |
Mikros
marchait bien, alors pourquoi as-tu mis fin à la série ?
J'en ai eu marre. J'ai quand même, pendant près de six ans dessiné chaque mois des épisodes de seize à vingt planches, à part trois dessinés par Amouriq sur scénario de Nolez. Et puis je n'arrivais plus à trouver un nouveau truc pour que Mikros se réduise à une taille infinitésimale. Continuer serait devenu une corvée, aussi bien pour moi que pour le lecteur. |
A
l'époque de Mikros, tu as réalisé des épisodes de
Photonik et même encore récemment. Pourquoi ? J'ai fait beaucoup d'épisodes de Photonik parce que Tota est trop lent et qu'il ne peut suivre le rythme de parution. Et Photonik a eu pas mal de succès, maintenant il en a moins car il se passe pas mal de mois entre deux aventures et le lecteur oublie vite. Je suis particulièrement fier du dernier Photonik paru dans Spidey, "L'Ombre". je regrette qu'il ne soit pas paru en album car j'avais prévu le découpage pour cette forme de publication. |
Est-ce
toi comme dans le cas de Mustang ou bien Tota qui a eu l'idée du personnage
de Photonik ? C'est une invention totalement "totienne". Il a tout créé de A à Z et d'ailleurs l'idée était très bonne. Je lui avais proposé d'écrire des scénarios car c'est là qu'il peine le plus, pas dans le dessin. Mais il a refusé. Il veut tout faire dans les épisodes qu'il conçoit. Tout faire, mais lentement. |
Mais
que tu fasses de ton côté certaines aventures de son héros,
cela ne l'a pas gêné ? Non, mais je ne me suis mis à Photonik qu'avec son accord via l'intermédiaire de Navarro qui l'a mis au pied du mur. La série marchant, il fallait qu'elle continue de paraître. Et lorsqu'on m'a proposé ce travail, j'ai demandé à faire moi-même les scénarios. Je ne voulais pas attendre après Tota. Et j'ai respecté l'idée et l'atmosphère de la série. Si je devais reprendre un personnage d'un autre dessinateur, régulièrement, je choisirais Photonik plus que toute autre chose car je me suis régalé en le dessinant. |
Sitôt
Mikros terminé, Epsilon a pris la suite. Comment t'es venue l'idée
de ce nouveau personnage ? Je suis allé trouver la patronne de chez Lug, Claude Vistel et lui ai parlé de Mikros et de mon intention d'arrêter. Je lui ai dit qu'à mon avis ce personnage était arrivé à un point limite et qu'il ne pourrait désormais que redescendre et les lecteurs se lasser, comme moi-même. Avec moi, j'avais le scénario d'Epsilon, préparé longtemps auparavant sous le nom d'Orion. Elle a trouvé cette nouvelle histoire pas mal tout en me demandant de continuer Mikros. Et quand j'en ai eu marre, j'ai ramené Orion dans lequel j'avais effectué quelques changements comme par exemple en ce qui concerne l'époque, 2086 et non plus 1986, le Psi avait remplacé Ciberg ou Ciborg. Et comme il y avait déjà Orion le laveur de planètes de Gigi et Moliterni, on a cherché un autre nom. Comme je voulais qu'on retrouve "psi" dans ce nouveau titre, j'ai cherché dans l'alphabet grec et Epsilon est tombé impeccablement. Heureusement rien n'était déposé sous cette appellation. Précédemment j'avais eu des problèmes du même genre avec Cosmo que je voulais appeler primitivement Galax mais il y avait déjà un Galax dans la bande dessinée. Il y a des millions de titres déposés mais il y a prescription au bout de trois ou cinq ans permettant de prendre un nom non utilisé durant ce laps de temps. Finalement je préférais Epsilon à Orion, ça sonnait mieux. En tout cas, Epsilon a été immédiatement adopté, sans problème aucun. Et tout de suite après avoir écrit le mot fin à la dernière case de Mikros, j'ai attaqué la première planche d'Epsilon. |
Dans
le synopsis proposé à Lug, tu avais déjà tout imaginé,
y compris la fin qui paraîtra dans le numéro de décembre 87
de Titans ? Non, pas la fin et d'ailleurs il ne faut jamais l'imaginer. Je ne savais pas combien de temps cela allait continuer et à l'époque Lug ne signait pas de contrat. Je savais qu'Epsilon s'évadait d'Eden, qu'il se révoltait contre son père et que toute l'histoire serait cette révolte. La révolte du fils contre le père et la quête de la mère. |
Il
y a un rapport entre les deux séries, Mikros et Epsilon ne serait-ce que
par la présence du Psi dans chacune et également par celle de Saltarella
que l'on sent en filigrane dès le début (du moins le lecteur ayant
connaissance des tribulations des "sup'héros"). Il y a effectivement une filiation entre Mikros et Epsilon mais c'était peut-être une filiation un peu inconsciente d'une fin où le héros allait retrouver sa mère. Alors, pourquoi pas Saltarella plutôt qu'une femme sans visage. Saltarella que l'on découvre petit à petit et que le lecteur de Mikros a parfaitement deviné. "Ma mère est partie sur une étoile avec deux compagnons...". |
N'y
a-t'il pas cependant un changement quand même radical entre les deux séries,
la science-fiction prenant le relais de l'univers super-héros ?
Oui, le cadre a complètement changé mais Epsilon a cependant quelques super pouvoirs et il a surtout une volonté. Sa force réside en la quête. Une quête qui se passe dans cent ans, dans un 2086/87 qui ne sera probablement pas tel que je le vois. J'ai voulu un futur très BD, dans la tradition. |
On
pense même au Christ en lisant Epsilon, d'ailleurs tout comme lui on le
crucifie. Oui, il y a du Christ en lui. Lancelot un peu aussi... |
Changement
notable avec Epsilon par rapport à ce que tu as précédemment
réalisé : un récit très long en vingt-et-un épisodes
et non plus des histoires en quelques tranches, rarement plus de quatre ou cinq.
Une action lente qui te permet de développer la psychologie des personnages
principaux. Comment cela a-t'il été perçu ?
Au départ, on me faisait un peu la gueule chez Lug à cause de ça et, dans le courrier des lecteurs cinq à six pour cent d'entre eux trouvaient également que c'était trop long mais les autres étaient enthousiastes. Je pense que les lecteurs vont être déçus par la fin, maintenant proche. Je n'ai plus que trois épisodes à dessiner et après la parution du dernier il y aura une interruption de cinq mois, e qui me permettra de prendre de l'avance sur Kronos, la série qui prendra la suite. |
A
l'époque de Mikros, Lug a publié directement en album, Blackstar
dessiné et écrit par toi, d'après un succès télé.
Comment est-ce venu ? C'était une série américaine en dessins animés. D'abord treize épisodes suivis ensuite de vingt-six nouveaux et on a proposé aux Éditions Lug, à peu près en même temps qu'à Pif (Pif Gadget dessiné par GATY) d'en faire une bande dessinée. Ce qui m'a permis de faire un album de commande. Je précise bien, de commande. |
Y
a-t'il eu des BD américaines d'après la même série
télé ? Non, il n'y a qu'en France que cela s'est fait. |
Il
s'agissait pour toi d'un travail bien différent de ce que tu avais l'habitude
de faire. Dans le trait et dans l'esprit cela diffère effectivement. C'était une histoire pour les petits. Pour ma fille qui a maintenant onze ans, c'est trop édulcoré. Elle préfère de loin Epsilon. |
A
côté de toutes les BD que nous venons d'évoquer, tu as réalisé
nombre de couvertures chez Lug, aussi bien western que super-héros...
C'est une vieille histoire. Plutôt que de les commander en Italie ou bien aux États-Unis, Lug me les confie. C'est un travail de commande là aussi et je dois m'approcher le plus possible du dessin d'origine contenu à l'intérieur du magazine pour que le lecteur s'y retrouve. Il faut une certaine fidélité mais j'y mets cependant un peu ma griffe. Je ne signe jamais ces couvertures. J'ai fait, en plus du dessin, la maquette de couverture de Saga et aussi les dessins de sommaires des publications Lug, tous à part une ou deux exceptions. L'ancienne présentation de sommaire de Rodéo était de Roger Médina qui est un très bon dessinateur. |
Quels
sont tes projets ? A
part Kronos, j'ai également en projet une série de récits
complets pour Le Journal de Mickey. Cette fois je n'en suis pas le scénariste.
Les textes sont de François Corteggiani. Chaque épisode de l'Archer
Blanc comprendra dix planches. Une histoire toute les cinq semaines, à
peu près. La première en octobre de cette année. |
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