"L'ÉCHO DU LEZARD" : l'interview


Cet entretien a été publié dans la revue de Hors Collection "l'écho du lézard" de Juin 2001 :

 
Comment avez-vous rencontré les oeuvres de Rabelais et comment en êtes-vous venus à l'idée d'adapter ses écrits ?
Michel RODRIGUE : Comme beaucoup de gens, j'ai rencontré Rabelais à l'école. C'était assez édulcoré, on ne lisait que les épisodes les plus sages. Ensuite, j'ai découvert l'intégralité du texte, et toutes ces histoires de géants, les guerres picrocholines, le loup-garou, qui ont un côté heoric-fantasy très riche... J'avais envie d'en faire une BD depuis une douzaines d'années ; j'en ai parlé à Mitton, et ça a tout de suite marché.

Jean-Yves MITTON : Rodrigue a eu l'idée d'imaginer la rencontre entre Rabelais, personnage truculent, et Léonard de Vinci, homme de laboratoire et de cour, homme secret, mystérieux, une sorte d'enchanteur Merlin. La rencontre entre les deux ne pouvait produire que des étincelles.

MR : Un écrivain met toujours dans ses oeuvres une part autobiographique. On est donc partis du postulat selon lequel Rabelais raconte dans ses livres les évènements qu'il a vécus et les personnages qu'il a côtoyés étant jeune. Avec Panurge, Pantagruel, Gargantua, il forme une bande d'étudiants qui descendent à l'auberge de Grandgousier et Gargamelle, et finissent par rencontrer Léonard de Vinci, à la fin de sa vie.
 

Une telle rencontre entre Nostradamus, Rabelais et Léonard de Vinci aurait-elle été possible sur le plan historique?
MR : Cette idée de départ est bien sûr un énorme canular. Ceci dit, notre base historique -la Renaissance française et italienne- est réaliste ; et ces personnages auraient effectivement pu se rencontrer.

JYM : A condition de changer un peu l'âge des protagonistes. En 1518, Rabelais a presque trente ans ; Léonard est un vieillard au bout du rouleau, et Nostradamus un tout petit gamin. Mais la magie du romanesque fait qu'une rencontre devient subitement possible... Il faut donner un petit coup de pouce à l'Histoire avec un grand "H", pour en tirer des histoires avec des petits "h". Et le public, même averti, accepte ce clin d'oeil ; on pardonne beaucoup à la BD... D'Artagnan n'a jamais croisé Richelieu ni Milady, tout comme Astérix n'a jamais réellement rencontré César.
 

Justement, votre trio -Rabelais, Vinci et Nostradamus- en rappelle un autre : le petit rusé, Astérix ; Obélix, toujours prêt à faire le coup de poing ; et le vieux sage, Panoramix.
JYM : Ce tryptique est très représentatif de la BD populaire : le héros qui réunit à lui seul toutes les qualités, un intello qui a tous les défauts, et puis le balèze, qui sert de bouclier au héros. On retrouve ce schéma dans tous les grands mythes populaires. Au-delà, Rabelais représente la liberté, le rire, en un temps -le XVIe siècle- où cette insolence était rare.

MR : Rabelais, pour nous, c'est un mélange de Cartouche, de Fanfan la Tulipe et du chevalier Pardaillan. Sa lutte est celle d'un personnage libre et libertaire. A l'époque des réformes religieuses, des grands voyages, des grandes découvertes, il s'impose comme le chantre d'un nouvel état d'esprit ; il est en butte aux grands de ce monde que sont à l'époque le Roi et l'Eglise.
 

Cet album est le premier d'une série. Comment le personnage va-t-il évoluer dans les tomes suivants ?
JYM : L'histoire se déroule sur trois tomes : le premier commence dans la chambre mortuaire de Léonard de Vinci, à Clos-Lucé, du côté d'Amboise. Rabelais vient lui rendre visite, et réveille Léonard. Ensemble, ils se lancent dans une dernière virée, en quête de Mona Lisa, que le vieux maître aimerait bien revoir. Cette chimère, la Joconde, servira de fil rouge tout au long des albums.
Sur le plan technique, comment avez-vous procédé ?
JYM : On a travaillé sur 54 pages, en trois bandes, avec des dessins assez vastes pour contenir des foules, des charivaris, des fêtes de rue, des carnavals, des bagarres... Chaque planche est une grande scène de théatre ; le "54 pages" sur trois bandes s'y prêtait bien, car le récit se déroule très rapidement. Le format aussi est idéal : assez grand, presque carré. On a beaucoup  misé sur le professionalisme, et la confiance de Hors Collection.

 

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